Le Petit Maroc est le plus vieux quartier de Saint-Nazaire et l’un des plus populaires. Des projets immobiliers, notamment la construction d’une tour « étudiante » de douze étages provoque une mobilisation des habitants.
Il en est des villes comme des hommes, elles ont souvent la mémoire longue. Surtout lorsque, comme à Brest, Lorient ou ici Saint-Nazaire, elles ont été partiellement détruites par la Seconde Guerre mondiale. Autant dire qu’on y cultive les souvenirs des périodes fastes qui les ont forgées…
Le Vieux Saint-Nazaire
Quatrième ville de Bretagne en termes d’habitants, Saint-Nazaire n’était, jusqu’au XIXe siècle, qu’un avant-port de Nantes et Paimboeuf. La petite ville était partiellement fortifiée depuis le Moyen Âge. Elle se situait alors dans l’actuel quartier du Petit Maroc ou « Vieux Saint-Nazaire ». Petit Maroc ? L’appellation vient sans doute de l’afflux de marins douarnenistes et bigoudens, habitués à aller pêcher la langouste au Maroc et en Mauritanie. « Jusqu’au années 1970, on entendait encore beaucoup parler breton dans les bistrots du quartier », se souvient l’historien Hubert Chemereau. Un Vieux Saint-Nazaire qui devient un simple quartier avec le formidable développement du port et des chantiers de Saint-Nazaire dans la seconde moitié du XIXe siècle. Et même une île, puisqu’il se trouve séparé encore aujourd’hui par deux écluses et qu’on y accède par un pont levant.
Durant la Seconde Guerre mondiale, il est victime des représailles allemandes après le raid des commandos de l’opération Chariot, le 28 mars 1942. Les occupants détruisent les maisons où s’étaient réfugiés des soldats britanniques. Les habitations restantes sont en partie détruites par les bombardements alliés, la base sous-marine n’étant pas très loin. A la Libération, il faut reconstruire, tout en détruisant tout ce qui restait debout du quartier, un sujet encore tabou, notamment chez les édiles qui se sont succédé depuis… On remblaye donc une partie du quartier. « Mais les fondations des anciennes maisons et des fortifications médiévales sont toujours là », insiste Hubert Chemereau.
Ville Port
Avec ses chantiers navals, Saint-Nazaire demeure une ville port, même si les activités de transports ou la pêche ne sont plus ce qu’elles ont été. Le Petit Maroc conserve la mémoire du port et de sa criée qui a disparu en 1991, avec ses bars et ses restaurants très conviviaux, où différentes langues se mêlent dans des conversations débridées.
Le quartier a même retrouvé une partie de son énergie lors de la construction du parc éolien sur le banc de Guérande, avec notamment des marins britanniques surtout gallois et quelques corniques qui ont mis une certaine ambiance.
Autant dire que l’annonce par la municipalité de lancer un programme immobilier a provoqué quelques toussotements dans le secteur. Il s’agit d’une tour avec des logements étudiants sur 12 étages.
Les banderoles hostiles au projet ont fleuri sur les façades du quartier et la chose alimente les conversations et le Gwenn ha Du y est souvent associé. Dans le très sympathique bar, L’Atlantique, un client confie : « On a peut d’une gentrification, avec une hausse des prix de l’immobilier. On veut surtout garder l’âme du Petit Maroc et que cela reste un endroit populaire… »
A Saint-Nazaire, dans ce qu’on appelait autrefois la Petite Californie bretonne, comme ailleurs en Bretagne, la question du logement, mais aussi d’une certaine identité, deviennent des questions récurrentes. En attendant, les habitants ne baissent pas les bras et une association des amis du Petit Maroc, que l’on peut suivre sur Facebook, s’est constituée.
A suivre…
source : https://penn-bazh.bzh/2022/11/22/a-saint-nazaire-avec-les-rebelles-du-petit-maroc/